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Rappel sur le calcul du délai de prescription sur les honoraires professionnels échus

Introduction :

Les litiges entourant les calculs de prescription sont histoires courantes. Cependant, qu’en est-il du calcul de la prescription aux honoraires professionnels d’avocat échus ?  

Nous faisons un retour sur une décision de la Cour suprême du Canada, soit la décision Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. c. Guindon, 2017 CSC 29, qui répond à cette question, ainsi que ces récentes applications.

Pellerin Savitz s.e.n.c.r.l. c. Guindon

Dans cette affaire, un avocat a intenté un recours contre son ancien client afin de réclamer ses honoraires impayés.

L’enjeu portait sur le calcul du délai de prescription. La Cour suprême devait donc déterminer à quelle date le droit de l’avocat de réclamer ses honoraires professionnels prenait naissance.

Les faits de l’affaire sont relativement simples. L’avocat et son client avaient conclu une convention d’honoraires stipulant notamment que la facturation était payable dans les 30 jours et que, passé ce délai, des intérêts seraient calculés et facturés. Entre le 5 octobre 2011 et le 1er mars 2012, l’avocat a envoyé cinq factures à son client. Le 21 mars 2012, le client a informé l’avocat qu’il mettait fin à son contrat. Le 12 mars 2015, l’avocat a intenté son recours.

Le premier juge a rejeté le recours, concluant qu’il était prescrit puisqu’il a été initié après le délai de prescription, soit plus de trois ans suivant la préparation et l’envoi de chacune des factures. La Cour d’appel a confirmé que le recours était prescrit quant aux quatre premières factures. Par contre, elle a estimé que la prescription ne court qu’une fois expiré le délai de 30 jours prévu à la convention d’honoraires et ordonne donc au client de payer la facture du 1er mars 2012.

Image de la Cour Suprême du Canada, qui a rendu décision dans Savitz et déterminé le délai de prescription des réclamations d'honoraires des avocats

Cette décision est portée en appel à la Cour suprême.

D’une part, le client est d’avis que la prescription prend naissance suivant la réception de la facture. D’autre part, l’avocat est d’avis que le délai de prescription ne commence à courir qu’à la fin du mandat.

La Cour suprême rejette le pourvoi à l’unanimité.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’argument de la fin du mandat, le tribunal est d’avis que la nature du contrat conclu par un avocat et son client est un contrat de services, de mandat ou de contrat mixe, selon la nature des services rendus. Il n’est donc pas possible d’appliquer la notion de fin de travaux prévue au Code civil du Québec dans le contexte d’entreprise visant un ouvrage.

Ensuite, le tribunal est d’avis que les conventions d’honoraires professionnelles appliquent le même principe que tout créancier à savoir que le droit d’action du créancier prend naissance dès que l’obligation de son débiteur est née et exigible.

Cependant, les conventions d’honoraires professionnels pourraient prévoir des procédures de facturation qui font varier le point de départ du délai de prescription.

En l’occurrence la convention d’honoraires prévoyait que toute facturation est payable dans les 30 jours suivant sa réception. Ainsi, le point de départ du délai de prescription est donc au 31e jour suivant l’envoi de la facture.

Il est intéressant de noter l’orbiter dictum de la Cour selon lequel les obligations déontologiques de l’avocat, qui l’empêchent généralement de poursuivre un client pendant qu’il agit pour lui, ne suspendent pas la prescription jusqu’à la fin du mandat. Ainsi, un avocat peut être amené à choisir entre laisser la prescription courir ou réclamer ses honoraires devant les tribunaux en cessant d’agir pour son client.

Application récente

Cette décision de la Cour suprême a maintenant été citée des dizaines de fois depuis 2017.

Les modalités particulières d’une convention d’honoraires peuvent faire varier le point de départ du délai de prescription. Il n’en demeure pas moins que celle-ci n’attend pas la fin du mandat pour courir.

Conclusion : 

Il convient donc de lire la convention d’honoraires signée entre l’avocat et son client afin de vérifier à quel moment les factures deviennent exigibles et à quel moment le recours se prescrit en cas de conflits.

Décharge de responsabilité – Cet article a pour but d’informer et sensibiliser le public à des enjeux juridiques. Les informations juridiques dans cet article sont fournies à titre informatif seulement et sont appelées à varier significativement avec le temps et selon les faits précis de chaque situation. Cet article n’est pas un substitut pour l’opinion juridique d’un avocat et n’engage pas la responsabilité de Boavista Services Juridiques inc., ses avocats, stagiaires, employés, ayants-causes et sous-traitants.