Introduction : Le secret professionnel, un droit mal compris
Peu de droits fondamentaux sont aussi mal compris que le secret professionnel de l’avocat (attorney-client privilege). Le récent fiasco SAAQclic a sorti au grand jour comment le privilège de confidentialité avocat-client est mal connu du public. Cet article vous expliquera la nature et l’étendue de droit essentiel dans le droit québécois.
Les sources du secret professionnel
La Charte des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés créent des droits fondamentaux afin de protéger la population. Parmi ceux-ci, nous pouvons compter le secret professionnel qui est en quelque sorte la plus forte expression du devoir de confidentialité de l’avocat. D’ailleurs, l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne mentionne ce qui suit :
« Chacun a droit au respect du secret professionnel.
Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.
Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel. »
Les cas médiatisés, plus précisément le dossier de SAAQclic[1], démontrent qu’il y a beaucoup d’incompréhension et de critiques par rapport à ce privilège avocat-client. Le projet SAAQ Clic a fait l’objet d’une large couverture médiatique et même d’un audit du Vérificateur général du Québec en février 2025 vu son déploiement coûteux et sous-optimal. Plus récemment, il a suscité des questionnements sur l’étendue du secret professionnel. Il est donc important de bien analyser les faits de l’affaire SAAQ clic afin de déterminer si les documents perquisitionnés lors de cette enquête sont réellement protégés par ce droit. L’auteur Raymond Doray a pu bien distinguer les conditions d’application du secret professionnel comme suit :
« Le secret professionnel naît lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :
-
- Il doit s’agir d’une consultation avec un avocat
- Cette consultation doit être voulue confidentielle
- L’opinion de l’avocat est recherchée en raison de sa qualité d’avocat. »[2]
Il suffit que la personne contacte une personne en sachant qu’elle communique avec un avocat. Il n’est pas nécessaire d’avoir de relation client-avocat.
Cela peut se démontrer par une salle de réunion ou encore lorsque l’avocat et la personne en question se mettent à l’écart afin d’avoir la discussion ou consultation.
La personne doit s’adresser à l’avocat afin d’obtenir des conseils, avis ou opinions juridiques de celui-ci. Si la personne est avocate, mais aussi administratrice d’une société et que la personne lui communique une information à titre d’administratrice, le droit au secret professionnel ne nait pas. Si la personne ne sait pas qu’il s’agit d’un avocat, le droit ne nait pas.
Il est important de comprendre que le secret professionnel est un droit absolu appartenant au client. Lors de la réunion de ces conditions, les communications écrites ou verbales ainsi que les documents dont le client discute avec l’avocat lors de ses consultations seront protégés par le secret professionnel et donc strictement confidentiels. Également, c’est uniquement le client qui peut renoncer à ce droit à la confidentialité des communications avec son avocat. Les autres exceptions au secret professionnel sont rares et très limitées. Ainsi, le secret professionnel peut tomber pour des communications à dessein criminel, pour des raisons de sécurité publique[3] ou encore lorsque la santé ou sécurité d’un groupe identifiable de personnes est en jeu.[4]
En appliquant ce concept au cas de SAAQclic, il est normal de se questionner sur si l’ensemble de la documentation perquisitionnée est réellement protégé par ce droit. On parle notamment de documents de gestion qui n’ont pas nécessairement fait l’objet de consultation avec des avocats ou sur lesquels leur opinion n’a forcément été sollicitée, donc on ne pourrait pas affirmer que tous ces documents ont réellement une protection quelconque. Il faudrait être en mesure de prouver que les avocats ont été consultés afin de donner leur avis concernant l’ensemble de ces documents pour que la protection du secret professionnel leur soit applicable.
Il sera intéressant de suivre l’avancement de ce dossier et d’analyser les procédures qui seront effectuées afin d’obtenir l’accès à ces dits documents.
Nous espérons que cet article vous a été utile afin de comprendre l’étendue du secret professionnel de l’avocat. Si vous avez toute question concernant le secret professionnel, ou souhaitez consulter un avocat pour tout autre question de nature juridique maintenant que vous connaissez mieux les hauts standards de confidentialité de l’industrie, vous pouvez contacter notre équipe d’avocats. Pour comprendre notre philosophie dans le traitement des dossiers, consultez notre page à propos.
Décharge de responsabilité – Cet article a pour bût d’informer et sensibiliser le public à des enjeux juridiques. Les informations juridiques dans cet article sont fournies à titre informatif seulement et sont appelées à varier significativement avec le temps et selon les faits précis de chaque situation. Cet article n’est pas un substitut pour l’opinion juridique d’un avocat et n’engage pas la responsabilité de Boavista Services Juridiques inc., ses avocats, stagiaires, employés, ayants-causes et sous-traitants.
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Sarah-Jeen J-G
[1] Olivier Jean, O. (28 août 2025). Quatre suspects dans la ligne de mire. La Presse, https://www.lapresse.ca/actualites/2025-08-28/enquete-policiere-sur-saaqclic/quatre-suspects-dans-la-ligne-de-mire.php.
[2] Raymond DORAY, Collection de droit- Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Montréal, CAIJ, 2024, page 62. https://app.caij.qc.ca/fr/doctrine/document/collection-de-droit-2024-2025-vol-1-c-48daba09-5067-45f1-a171-03a5070590832024-chapitre-iv-le-devoir-de-confidentialite-et-le-conflit-dinterets
[3] Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, https://decisions.scc-csc.ca/scc-csc/scc-csc/fr/item/2544/index.do
[4] Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, https://decisions.scc-csc.ca/scc-csc/scc-csc/fr/item/1689/index.do, art. 60.4 al. 3 Code des professions, arts. 131 (3) et (4) Loi sur le Barreau.